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avec des cris rauques. Acre orgueil, joie cruelle de jalousie et de vengeance… Elle était étourdie de leurs coups d’ailes et de leurs clameurs… D’où sortaient-ils ?…

— Tout cela, en moi !…

Elle en avait l’orgueil et l’effroi, une brûlure de plomb fondu, une jouissance de la douleur jusqu’à pâmer, un assouvissement d’agonie… Elle ne faisait rien pour les chasser. Elle ne pouvait rien. Elle assistait, comme un gisant, sous la mêlée d’oiseaux de charnier, qui se disputaient sa dépouille dans un champ. Ils étaient en deux troupes, ennemies et pareilles : la faim de la Possession, et le Sacrifice affamé. Car le Sacrifice avait, comme l’autre, l’ongle rapace, le bec vorace. Et le bien et le mal • — (et qui, le bien ? et qui, le mal ?) — portaient la même livrée de fauve inhumanité.

Les bras croisés, nue, étendue, elle attendait, la bête crevée, sous le tourbillonnement des corbeaux. ..

En attendant, elle regardait. Rien, ni peur, ni passion, ne l’empêchait de voir. Elle se voyait, nue. Et elle vit qu’elle s’était menti, depuis le premier instant. Elle savait qu’elle l’aimait,