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veux !… Ah ! quelle dérision ! Qui : « je ? » Qui « veut ? »… Moi, mes cheveux gris, moi, sur mon corps toute la poussière ramassée de la route, mon inutile expérience et mes souffrances, vingt ans de distance entre moi et lui, — et de quel œil cet enfant doit évaluer l’éloignement !… Honte et pitié !…

Elle était écrasée d’humiliation.

Mais elle releva la tête, indignée :

— Pourquoi ?… L’ai-je voulu ? L’ai-je cherché ? … Pourquoi suis-je frappée ? Pourquoi suis-je brûlée ? Pourquoi cette soif d’amour ? Cette passion affamée ? Pourquoi m’a-t-on donné un cœur qui ne vieillit pas, dans ce corps qui vieillit ?…

Elle se broyait les seins. Cette nature, où l’atteindre — qui vous tient, l’araignée ! Elle eût voulu la faire saigner, dans sa chair. Mais on ne prend pas l’océan dans un filet.

Elle se révolta :

— J’aime… J’aime… Je suis digne d’aimer encore !… La peur jalouse de cette fille me le dit… Je l’ai pris, je le tiens. Il dépend de moi qu’il soit à moi, si je veux. Je veux. J’aime. C’est mon droit.