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en face des montagnes et du ciel, qu’elle ne voyait pas ; et elle n’avait pas enlevé son chapeau et ses gares. La fatigue était tombée sur elle, brusquement… Elle fit le vide en elle. Elle penserait demain…

Elle dut penser, le soir, à ce dîner, — penser à ne pas laisser voir aux autres sa pensée. Et ainsi, elle la vit… Que ces propos aimables lui étaient pesants ! On la questionnait sur son voyage, sur Paris, sur le moral et les modes, sur le prix des aliments et la durée de la guerre. On parlait, on parlait ; et il était si évident que chacun — (sauf Franz, peut-être) — mentait ! Quoi qu’elles fissent toutes deux pour s’éviter, toujours le regard d’Annette se croisait avec le regard, insupportable, de Mlle  de Wintergrün, qui l’observait. Pas un pli de son visage, dont elle ne fît l’inventaire. Mais elle n’en trouva pas autant qu’elle aurait voulu. Sous l’aiguillon de la lutte, la fatigue d’Annette, totalement, disparut. Son teint avait repris un éclat doux et doré. Elle souriait, sûre d’elle, reposée, rajeunie. C’était la jeune fille qui devenait plus âgée. Ses traits se durcissaient. Une raideur fébrile gagna son orgueilleuse assurance. Elle éprouva le besoin de marquer ses