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petit bétail, parqué, puait. Leurs narines étaient calfatées. Ils étaient là une douzaine — vingt au plus — qui se tortillaient sur les bancs durs, dans l’atmosphère jaune de suie, qui filtrait par les vitres verdâtres de la cour fumante des brouillards de fin d’automne. Un poêle de fonte, bourré à blanc, ronflait (le bois abondait, au pays) : quand on était près de suffoquer, on ouvrait la porte (la fenêtre ne s’ouvrait jamais) ; le brouillard entrait, et l’odeur des peaux, — des peaux qu’on tanne. On la trouvait rafraîchissante, après celle des peaux vivantes.

Mais une femme, si habitués que soient ses sens aux raffinements, aux odeurs saines de la propreté, sait s’adapter, plus facilement qu’un homme, aux plus repoussantes nécessités. On le voit bien, devant les maladies : ses yeux, ses doigts, n’ont point de dégoût. L’odorat d’Annette accepta. Elle respira l’odeur de bauge, comme les autres, sans froncer le nez. Mais ce qu’elle eut plus de peine à accepter, ce fut l’odeur des âmes. L’esprit en elle était moins souple que les sens.