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L’Université, décimée, recourait aux femmes. Annette, munie de ses deux diplômes de licence, était nommée à un collège de garçons, dans une ville du Centre.

Elle partit, aux premiers jours d’octobre 1915. Que doux était l’automne ! Aux longs arrêts du train parmi les champs, on entendait les grives qui flûtaient dans les vignes ; et les calmes rivières cheminaient par les prés, semblant porter à la main leur longue traîne, bordée de feuilles d’or. Annette connaissait le pays et les gens, leur parler nonchalant, où passe à fleur d’eau l’ironie. Il lui sembla être délivrée de l’Âme empestée, qu’elle avait fuie. Elle se reprochait de ne pas en avoir arraché son fils.

Mais elle ne tarda pas à la retrouver. Sur ces grasses provinces, qui somnolent, s’allongeait l’ombre de la nuée. À ce moment, se livraient en Artois et en Champagne de furieux combats. On ramenait à l’arrière, des convois de prisonniers.