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de rage qu’il refoulait ; il affectait de ricaner ; toute sa force il la tendait, pour qu’elle ne vît pas sa faiblesse. — Elle le quitta brusquement. Il grinça des dents. Il l’eût tuée !…

La parole, comme un fer rouge, avait marqué. Annette, à peine sortie, regrettait sa violence. Elle croyait pourtant s’en être rendue maîtresse. Mais, depuis quelques mois, l’orage s’amassait ; et elle sentait que cette explosion ne serait pas la dernière. Ses paroles, maintenant, lui parurent odieuses. Leur brutalité lui fit honte, presqu’autant qu’à lui. Elle essaya de se faire pardonner. Quand ils se retrouvèrent ensemble, elle se montra familière et tendre, comme si tout était oublié.

Mais lui, n’oubliait pas. Il la tint à distance. Il se jugeait insulté. Pour se venger, il affecta, puisqu’elle aimait que l’on fût franc, de dire et de faire tout ce qui pouvait la blesser…

— ( « Ah ! tu aimes mieux la cruauté ?… » )

Il dit, il laissa traîner à dessein sur sa table, — lettres ou notes pour son « Journal » — des choses atroces sur la guerre et sur l’ennemi, ou des propos licencieux. Il guettait l’effet sur le visage de sa mère. Annette souffrait, éventait son jeu, se contenait ; mais un moment venait, où elle éclatait. Il triomphait. Il disait :

— Je suis vrai.

Une nuit, pendant le sommeil de sa mère, il