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— Est-ce que tu crois que tu es à toi, petit veau de lait, que tu peux disposer de toi ? Halte-là ! Tu es notre bien. Tu appartiens à ta mère. Objet de musée. À mettre sous clef.

Elle bouffonnait, en le grondant. Et lui, de révolte, il piaffait. Pas libre, lui ? Pourquoi donc elle ?

— Parce que je suis mariée, mon bel ami !

Cette audace lui coupa le fil. Elle le regardait, ironique. Il voulut se fâcher, et il rit :

— C’est bon, je suis pris ! Mais toi aussi, je t’ai prise.

Elle rit. Ils étaient de moitié dans le délit. Du doigt, de l’œil, ils se menacèrent. Elle le ramena au logis. Mais elle ne le trahit point à Annette. Elle se méfiait de l’austérité de sa sœur aînée et de son sérieux. Au fond de soi, elle pensait :

— On n’empêche pas le ruisseau de rouler. Posez une pierre devant : il n’en saute que mieux.

Et brusquement, Annette ouvrit les yeux. Elle vit qu’il ne faisait pas bon laisser le petit seul, au nid. Elle renonça à son emploi. Le dégoût l’avait prise, de cette ruée de femmes vers l’homme blessé, l’amour qui se mêle à la pitié, l’amour dans le sang, l’amour du sang !…

— Ne fais point la fière ! Tu l’as senti…

De toutes les hypocrisies, la plus fauve. La