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Annette était troublée. Elle avait perdu sa sûreté du début. À mesure que les jours, les mois passaient, le malaise s’accentua. Elle avait peu de travail, trop de temps pour penser. Et elle percevait autour d’elle l’Esprit monstrueux, qui prenait possession de ces êtres, — des plus grossiers, des plus charmants. Tout était anormal, les vices et les vertus. L’amour exalté, l’héroïsme et la peur, la foi et l’égoïsme, et le total sacrifice, sentaient la maladie. Et la maladie gagnait, elle ne laissait personne indemne.

Annette en était d’autant plus impressionnée qu’elle n’attribuait pas au mal une cause accidentelle : elle ne songeait pas à inculper les volontés, les intrigues, les responsabilités ; elle ne connaissait pas cette guerre ; elle connaissait la guerre. Elle était à l’écart de ses combats, de ses conseils ; elle ne voyait pas la face de la Bête ; elle recevait au visage son souffle empoisonné. Plus que jamais la guerre lui apparaissait comme un fait