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avait recueillis, pour quelques semaines, jusqu’à ce que le frère fût rétabli et qu’ils eussent trouvé un autre logement et un emploi. Mais ils n’en cherchaient pas. Ils estimaient naturel d’être recueillis chez Annette. Et ils ne se gênaient point. Ce qu’elle pouvait dépenser, ce n’était pas à eux de le compter ! Ils se regardaient comme des victimes, envers qui le reste de la France avait des dettes. Il arriva qu’Apolline se plaignît du logement : dans la salle à manger ils étaient à l’étroit. Elle n’allait pas jusqu’à réclamer à Annette sa chambre ; mais si on la lui eût donnée, elle eût tout juste dit : « Merci ! » Marc était exaspéré. Il avait pour cette femme une répulsion, qui le fascinait.

Hôtes étranges. Alexis passait une partie de ses journées, étendu. Apolline ne sortait guère ; et il n’était pas facile de les décider à aérer. Ils restaient enfermés, sans bouger. Alexis était de nature torpide ; et, de sa chasse à courre du mois d’août, il demeurait fourbu. Il avait les cheveux blonds, plantés bas et frisés, le front étroit et bombé, les yeux petits, bleus vagues, les lèvres gonflées, la bouche ouverte pour respirer. Il ressemblait à sa sœur ; mais elle était le mâle. Il parlait peu, s’absorbait dans une songerie vitreuse, ou broutait le rosaire, en tripotant un chapelet. Les prières sont un berceau, où se