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le chant secret de source dans la prairie. Et Lydia a lu dans le sourire attendri de la grande sœur qu’elle a la clef de cette musique, — elle seule dans la maison. Il lui est doux qu’on l’entende. Mais de ce chant du cœur, elles ne se disent rien. C’est défendu, dans ce bruit d’armes, d’écouter trop la mélopée des jours de paix, la flûte qui pleure le bonheur. Lydia lit les lettres de l’aimé, qui parle du devoir exalté des soldats de la Civilisation. Le jeune stoïque l’associe à son rayonnement glacé. L’amoureuse Lydia s’y baigne, avec une joie frissonnante. La chaleur de son sein fait fondre la neige des idées. Elle est encore enfant ; l’austère sacrifice se dore d’illusion ; l’héroïsme est, pour elle, encore à demi un jeu. Elle le sait dangereux, mais elle croit, elle veut croire à la protection d’un dieu — de son dieu — qui veille sur son amour. (Son dieu et son amour n’ont-ils pas même visage ?) Elle paraît confiante, heureuse, et elle rit de son bon rire de gorge, comme font les enfants. Et puis, soudain, elle pleure, et ne veut pas dire pourquoi. Et Annette a pitié. Elle la voit qui s’exalte avec des pensées qu’elle récite, ardemment, tout d’un trait, — jusqu’à ce qu’elle butte, en hésitant… (Ne s’est-elle pas trompée sur un mot ? Elle s’excuse du regard, avec un sourire confus et char-