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sont jamais réunies longtemps. Elles l’étaient, en ce temps.

La grande ruée allemande venait battre presque aux portes de Paris. Le gouvernement avait décampé. Tous ceux de la maison exprimaient leur mépris indigné pour la fuite à Bordeaux. Sylvie était enragée. Elle rappelait ses grand’mères, quand le roi Louis avait pris la poudre d’escampette. Il n’eût pas fait bon tomber sous ses ciseaux, pour nos héros du Château-Margaux ! Mais ce serait une dette à régler plus tard. On avait des soucis plus urgents. Tante et neveu, Marc et Sylvie, bêchaient, brouettaient, aux travaux de terrassement, que Gallieni ordonnait, pour occuper la fièvre de Paris. Point de panique. On attendait, escomptant le mieux, prêts au pire. Marc caressait dans sa poche son fameux revolver ; il était bien capable d’espérer l’entrée des Allemands à Paris, pour l’essayer. Annette, aux mains brûlantes, tranquille en apparence, ne s’est mieux portée jamais ; elle sait ce que risquent elle et son fils, enfin !… Elle est soulagée. — Les autres sentent de même. Les angoisses des parents sont adoucies par la pensée qu’ils sont associés, un peu, aux dangers de leurs fils.

Lydia Murisier vient lire, chez Annette, les lettres de son fiancé. Les deux femmes se sont attirées, avant de s’être parlé. Annette a perçu