Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/51

Cette page n’a pas encore été corrigée

tendait leurs pieds, derrière, galoper. Ils viennent comme un rouleau. Tout le fond du ciel est noir… Une barre de grêle qui monte… Nous courons, nous courons… Il tombe… Je l’ai porté.

— Qui est-il ?

— Il est mon frère.

— Il faut sortir de cette poussière. On marche sur nous. Debout ! Avez-vous, à Paris, quelqu’un de connaissance ?

— Je ne connais rien. Et je n’ai rien. Tout est détruit. Nous avons fui sans un argent, sans un vêtement que ceux qui nous collent au corps.

Annette n’hésita point :

— Je vous emmène.

— Où ?

— Chez moi.

Elles prirent l’homme étendu, la sœur par les épaules, Annette par les jambes. Toutes deux étaient robustes, et le corps amaigri ne pesait guère. Elles trouvèrent, sur la place, une civière ; un vieil ouvrier et un gamin s’offrirent à la porter, La sœur s’obstinait à tenir la main du frère ; elle gênait les porteurs et se heurtait aux passants. Annette lui prit le bras et l’emboîta sous le sien. Aux oscillations du brancard, elle sentait ces doigts qui se crispaient, et quand les porteurs déposaient, un instant, leur charge, la femme s’agenouillait auprès, sur le trottoir ; elle pas-