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d’elle, lui écarta les doigts, pour tâter le visage du garçon. La femme ne parut point remarquer sa présence. Annette dit :

— Mais il vit ! Il faut le sauver.

Alors, l’autre s’agrippa, et cria :

— Sauve-le moi !

Visage contre visage, Annette vit une face criblée de taches de rousseur, aux vigoureux méplats, où frappaient d’abord la bouche charnue et le nez court, dont la ligne formait, avec l’avancement des lèvres, comme un mufle. Laide : le front bas, l’ossature des joues et les maxillaires forts. Mais cette bouche exigeante, et cette masse de cheveux roux qui lui faisaient le crâne comme une tour posée sur le front étroit. On ne voyait qu’après, les yeux, larges et bleus, — des yeux flamands, — de chair.

Annette demanda :

— Mais il n’est point blessé ?

Elle souffla :

— Nous avons marché, des jours, des jours. Il est forcé.

— D’où venez-vous ?

— De C… Tout au Nord. Ils sont venus, ils ont brûlé. J’ai tué… Au mur de la ferme, j’ai décroché le fusil. Et de derrière la haie, j’ai tiré sur le premier… Nous nous sommes sauvés. Dès qu’on s’arrêtait de courir, pour halener, on en-