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bres ankylosés. Elle sort du sommeil de son isolement. Elle est un peuple…

Et tous les mouvements d’un peuple se font sentir en elle. Dès le premier instant, elle a conscience sourde qu’une grande porte de l’Âme, qui, à l’ordinaire, reste fermée, — le temple de Janus — s’ouvre !… La nature sans voiles, les forces qui se montrent à nu… Que va-t-elle voir ? Qui va surgir ?… Quoi que ce soit, elle est prête, elle attend, elle se trouve dans son élément.

La plupart de ces âmes qui l’entourent ne sont point faites pour cette vie torride. Elles fermentent. La première semaine d’août n’est point passée que la fièvre les gagne. Elle travaille ces organismes sans défense. La peau se marbre des poussées du sang vicié par l’afflux soudain de germes acres et pestilents. Les malades se taisent, absorbés. Ils s’enferment en chambre. L’éruption couve.

Annette est calme. Elle est la seule, dans son milieu, à ne pas se trouver désaxée ; elle serait plutôt « normalisée ». C’est effrayant à dire : elle respire à l’aise. Elle est sans doute comme ces femmes — ses mères — du temps des Grandes Invasions. Lorsque les vagues de l’ennemi venaient battre les palissades de leur cité roulante, elles montaient sur leurs chariots, pour concourir à la défense. Et leurs seins nus respiraient mieux, au vaste souffle de la plaine. D’un lent et large