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— Il est mieux, là-dedans…

Et le peuple qui attendait la parole vengeresse, le mot d’ordre qui rompt l’angoisse, l’éclair dans les ténèbres. Et, de toutes ces bouches qui dégorgeaient leur mortuaire éloquence, rien n’est sorti que la mort et le reniement. Ils ont dit :

— Nous jurons que Jaurès sera vengé.

Et la phrase du serment n’était point terminée que déjà ils l’avaient trahi : ils se faisaient les pourvoyeurs de la guerre, qui l’a assassiné. Ils disaient au peuple :

— Allez tuer ! Faisons l’Union Sacrée sur le corps de nos frères !

Et ceux d’Allemagne ont dit de même.

Le peuple s’est tu, désorienté. Et puis, après un moment, il s’est mis à clamer, et il a emboîté le pas. Raisonner seul, n’est pas son affaire. Puisque ceux qu’il a chargés de raisonner à sa place, ses guides, le mènent à la guerre, c’est qu’il lui faut y aUer. Et Perret, maintenant, se persuade qu’il va servir la cause du peuple et l’Internationale. Après la guerre, l’âge d’or !… Faut se dorer la pilule !

Mais Peltier, désabusé, dit :

— Va-t’en voir s’ils viennent ! La cause du peuple, j’en ai soupé. Je vais tâcher de servir la mienne. Le tout est de faire comme eux — (il