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— Lâche ! Lâche !

Et elle sanglote.

Il se rebiffe et ricane, vexé :

— « Lâche », c’est bien le mot, en vérité, pour l’homme qui va faire le héros ! « Mourir pour la patrie ! »…

Elle le supplie de ne pas continuer. Ce mot de mort la terrifie. Elle lui demande pardon. Il a beau jeu pour étaler sa forfanterie patriotique ; c’est un moyen de se donner du cœur. Et elle n’ose plus protester ; elle est trop seule, elle ne peut pas dire ce qu’elle pense : le monde entier (ce n’est rien !) et lui (c’est tout !) diraient que c’est une hérésie. Mais elle sait bien que, dans le secret, tout bas, il pense comme elle, le malheureux !… « Mourir pour la patrie !… » Non, non, pour la galerie !… Les hommes sont lâches ! Ils n’ont pas le cœur de défendre leur bonheur. Les malheureux ! Les malheureux !,.. Elle essuie ses yeux. On est en scène. Il faut sourire, puisqu’il le veut. On pleurera dans la coulisse… « Oui, toi aussi !… Tu ne me trompes pas. Tu as, comme moi, la mort au cœur. Ô lâche, lâche, pourquoi pars-tu ? » Et lui qui lit dans sa pensée pense tout haut :

— Que peut-on faire ?

Mais elle est femme et passionnée. Elle n’entend pas. Elle n’entend pas ce qui la gêne…

— Ce qu’il faut faire ? Il faut rester.