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avoir d’ostentatoire aux yeux qui la voyaient passer, elle revint vers les morts honteux sous leur terre dévêtue, et elle y sema ses fleurs. La vieille achevait tranquillement ses prières. Après qu’elle eut fini, Annette lui reprit le bras, et elles s’en retournèrent.

Alors, elles s’aperçurent qu’à la lisière du terrain maudit, un groupe de gens les observaient. Des femmes du peuple et leurs enfants, de petits bourgeois, les désignaient, parlant avec animation. À quelque distance, par derrière, deux ou trois dames suivaient la scène, sans s’y mêler. Quand Guillemette et sa compagne durent, pour passer, traverser cette haie, elles ne la trouvèrent pas sans épines. Une commère s’exclamait :

— Aller porter nos fleurs à ces charognes ! Le sang d’Annette se mit à bouillir. Elle fit effort pour se taire, et passa, d’un air hautain. On n’osa pas l’apostropher. Mais avec Guillemette, on n’avait pas à se gêner. On l’injuria :

— Vieille salope ! Vendue !

— Parbleu ! disait la commère. Comme si l’on ne savait pas qu’elle a fait commerce avec les Boches !

La vieille femme riotait doucement… « Joli commerce ! Elle a tout perdu !… » Annette n’eut point sa sagesse. Elle prit sa défense, selon son habitude, en attaquant. Elle dit qu’il était ignoble