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pas de savoir que quelquefois, en passant, un prisonnier allemand s’arrêtait chez Guillemette, et qu’Annette avait pris part à un ou deux entretiens. C’était une note de plus qui s’ajoutait au compte. Mais Annette, devant qui la Trottée avait déballé sa hotte des propos médisants que l’on tenait sur elle, n’en était pas à un blâme de plus ou de moins.

Le Jour des Morts approchait. Le jour sacré. La vraie religion des Français Toutes les autres ne sont que superfétations, tardivement ajoutées, et qui passeront. À ce seul culte, qui tient aux entrailles de la terre, tous ceux qui en sont sortis, tous ceux qui y rentreront, participent : ceux de toutes les confessions et ceux qui n’en ont aucune. Annette n’y était pas plus étrangère que Mme de Seigy-Chavannes, ou bien que la Trottée. Et, le jour venu, elle suivit, presque sans y penser, le ruisseau des promeneurs, qui s’en allaient en famille faire leur tour de cimetière.

Un peu avant la porte, elle rencontra Guillemette, clopinant. Elle lui donna le bras. Elles entrèrent ensemble. Toutes les tombes étaient fleuries, les allées ratissées. Mais dans un coin là-bas, vers le mur écroulé, parmi les mauvaises herbes, il y avait de la terre remuée, nue, sans une couronne, avec des croix de bois. Le champ des