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notre vie… Pauvre petit ! Je te comprends… Je ne cherche pas à me dégager… »

Elle avait recommencé une troisième année de cours. Mais la situation, pour elle, avait changé. La maison des Chavannes était fermée. Elle n’avait pas seulement perdu la société d’amis, à qui elle s’était attachée. Leur présence lui était une protection, dont elle avait, sans le savoir, bénéficié. Qu’elle fût admise dans leur intimité avait peut-être avivé la malveillance jalouse de la petite ville ; mais cette malveillance ne pouvait se manifester. Maintenant que le bouclier qui couvrait Annette lui était retiré, on n’eut plus de ménagements à garder. On savait que la sœur de Germain. Mme de Seigy-Chavannes, seule restée au pays, n’avait aucune sympathie pour Annette ; depuis le départ de son frère, elles ne se voyaient plus. Les médisances rentrées purent se donner de l’air. Depuis deux ans, grain par grain, ainsi que la fourmi, la gent femelle avait amassé en un tas des observations patientes et sans bonté. Au grenier public, chacune apportait les siennes : on les mit en commun. On rapprocha les doutes sur la vie privée d’Annette et sur sa maternité suspecte, des remarques suggérées par la froideur équivoque de son patriotisme et par les complaisances qu’elle avait affichées pour l’ennemi. Sans qu’on fût sur la voie, ses voyages de l’an passé, ses démarches, mal