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ce qu’il dit et écrit, au risque de paraître froid et ennuyeux : — il l’est, dans ses leçons, documentées, bourrées de références et épinglées de notes, qu’il nasille d’une voix monotone. Mais sa critique historique est, à son insu, faussée par des idées préconçues, qu’il ne remarque même pas, tant elles lui sont évidentes, et par son absence totale de plasticité, qui lui interdit de s’adapter aux diverses pensées. Cet homme qui a lu considérablement, qui a tout vu dans les livres, qui a beaucoup vu dans la vie, a gardé sous le poil gris un fond de candeur comique, attendrissante, — épouvantante : car elle autorise tous les fanatismes. Le sens moral, très haut. Le sens psychologique, atrophié. Ceux qui ne lui ressemblent pas, il ne les comprend pas.

Son fils est comme lui. Jeune docteur en Sorbonne, qui vient de soutenir, à trente ans, une thèse remarquable, cet historien voit le monde par la lunette des idées. Des siennes, bien entendu. Les verres auraient besoin d’être vérifiés par l’opticien. Il ne s’en est jamais avisé. Pour lui, comme pour son père, « au commencement », n’est pas le fait. « Au commencement, est le principe. » La République est un principe. Les conquêtes de la Révolution première ont l’évidence d’un théorème. Et la guerre qui s’engage est la suite obligée de la démonstration. Elle doit établir