Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/297

Cette page n’a pas encore été corrigée

voisine, de la Ligue : « Souvenez-vous ! » pour éterniser pieusement la haine de l’ennemi, — Annette écoutait en silence. Marc surveillait son visage. Elle n’avait pas bronché. Elle ne manifestait rien, quand Sylvie débitait, à son ordinaire, des sottises chauvines, pêle-mêle avec la chronique scandaleuse du quartier. Annette laissait parler, souriait sans répondre, et parlait d’autre chose. Elle ne trahissait rien de ce qui se passait en elle. Même la mort d’Apolline, cette brutale nouvelle, qui aurait dû lui arracher un sursaut, ne se traduisit que par une lueur de pitié dans ses yeux. Marc, dont cette tragédie avait remué les bas-fonds, irrité par la réserve de sa mère, chercha à l’en faire sortir ; et, très surexcité, il commença crûment à raconter ce qu’il avait vu et su. D’un geste, Annette lui ferma la bouche. Elle ne se mêlait aux entretiens que s’il lui plaisait. Tous les efforts pour l’entraîner dans une discussion étaient vains. — Cependant, elle avait ses idées arrêtées : Marc en était certain. Quelques paroles tranquilles avaient suffi à lui faire deviner son détachement intime de ce qui passionnait les autres — de la guerre et de la patrie. Il aurait voulu en savoir davantage… Pourquoi ne parlait-elle pas ?

Marc avait été secoué par la Révolution Russe. Il assistait au meeting du premier avril. Il était