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Elle baissa la tête, accablée. Il poursuivit, avec une âpre rancune :

— Toutes vos protestations ! Cette jactance de femme ! Vous mentiez !

Elle ne se défendit point :

— Mon pauvre ami, je ferai tout ce que vous me direz. Mais quoi ? Mais quel moyen ?

— Trouvez-le ! Vous ne me laisserez pas mourir, sans l’avoir revu.

— Vous ne mourrez pas.

— Je meurs. Contre la mort je ne me révolte pas. On ne peut rien. C’est la loi… Mais la bêtise des hommes, je ne l’accepte pas !… Il est là, près de moi, lui, mon unique ami ; et je ne pourrais pas le voir, toucher sa main, l’étreindre une dernière fois !… Ce serait monstrueux !

Annette se taisait. Elle pensait aux milliers de malheureux qui se tendaient les bras, de l’étal des tranchées où s’égouttait leur vie, à leur foyer lointain, où dans le lit solitaire se retournait sans sommeil l’angoisse des aimés… Germain lut en elle. Il dit :

— Que d’autres s’y soumettent, moi, non ! Je n’ai qu’une vie, et ce n’est plus qu’un instant. Je ne peux pas attendre. Je veux ce qui est mon droit.

Annette, le cœur serré, continuait de se taire ; ses mains compatissantes tâchaient de le calmer.