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âme loyale n’eût jamais soupçonné ce que sa conception rigide du devoir lui eût fait condamner. Elle estimait trop Germain pour ne pas croire qu’il n’eût point fait, comme elle, sacrifice de son cœur à l’exigence exclusive de la patrie. Et pourtant, elle était, de tous, la plus près de comprendre la douceur impérieuse de ces liens d’amitié. Mais comment Germain eût-il osé en revendiquer les droits devant elle, dépouillée de ce qu’elle aimait, et qui, sans une plainte, offrait stoïquement à son Dieu sa douleur et son renoncement ?

Mme de Chavannes, la mère, était seule dans le secret de Germain. On n’avait pu le lui taire. Elle le voyait écrire et relire les lettres ; elle en était la discrète dépositaire. Elle ne pouvait approuver, ni blâmer. Elle voyait ce grand fils, que la maladie ravageait. Elle ne jugeait plus. Elle voulait qu’il eût au moins cette unique joie. Elle tremblait que le secret en fût éventé, et qu’entre le malade et le reste de la famille un conflit éclatât, où son cœur serait également piétiné, des deux côtés. Car, d’une part, elle pensait que la famille avait raison contre son fils. Mais, de l’autre, son fils était son fils. Il y a la loi. Et l’au delà de la loi.

Si intraitable que fût Mme de Seigy-Chavannes, elle aussi connaissait — sans l’avouer — ce droit