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gravitation. Deux âmes, deux mondes, dont les orbites autour du soleil sont entrelacés, comme un filet par les mains du cordier. Deux solitudes qui se conjuguent, pour faire un rythme, et respirer. La solitude de celui qui ne comprend rien au troupeau des hommes, qui est perdu dans la forêt des singes et des tigres, qui appelle à l’aide. La solitude de celui qui comprend tout, qui comprend trop : il ne tient à rien, nul ne le tient ; et qu’un être, un seul, ait besoin de lui pour exister, donne à sa vie une valeur rédemptrice. Le sauveur sauve, et est sauvé par ce qu’il sauve.

Mais ce refuge, l’un et l’autre, comment ne l’ont-ils pas cherché dans les bras de celle que la nature nous a donnée, pour y verser le flot brûlant de nos désirs et de nos tourments — ou pour mêler les siens aux nôtres ? La femme… C’est leur secret. Annette ne peut que l’entrevoir, à peine. Chez Franz, un éloignement, une peur. Chez Germain, peut-être une déception précoce, une rancune (il n’est pas le seul à connaître ce sentiment, parmi les compagnons dans les tranchées !) Chez tous deux, l’instinct vrai ou faux, puissant, que la femme est un monde différent. Germain a pour Annette une estime affectueuse, il se confie à elle. Mais Annette ne s’y trompe pas : il se confie, parce qu’elle est le seul être à qui il puisse avoir recours ; il est certain de sa loyauté à le servir ;