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telle joie l’éclairait que Germain comprit sur-le-champ ; les mains tendues vers elle, d’une voix impérieuse, qui tremblait d’impatience, il dit :

— Donnez !

Elle s’écarta, pendant qu’il lisait. Le silence tomba dans la pièce. Annette, debout, regardait sans voir par la fenêtre, dans la cour sans soleil. Elle écoutait les feuilles froissées, le souffle oppressé. Puis, tout se tut. Dans la rue, derrière les murs, un char à bœufs, lentement, passait. Il semblait rouler sans avancer. Il évoquait l’immobilité des plaines du Centre, le temps arrêté. Le cri du toucheur, un cri d’oiseau, planait, devant. Le roulement décrut lentement. Les vieux murs ébranlés reprirent leur immobilité. Et dans les âmes le temps se remit à couler. La voix de Germain appela :

— Annette !

Elle se retourna, elle vint à lui. Il était couché, contre le jour, la face au mur. La lettre était ouverte sur le lit. Il dit :

— Lisez !

Elle avoua :

— Pardon ! J’ai lu, déjà.

Sans la regarder, il lui tendit la main.

— C’est votre droit. C’est à vous. Je vous le dois. Et, sans un mot qui trahît son émotion, il prit un pan de la robe d’Annette, il le baisa.