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femme de journée. C’est pénible, pour qui a eu son chez-soi de petite bourgeoise. Elle n’a point récriminé. Maintenant, on est remonté à l’humble paradis perdu. Elle se repose en travaillant, mais pour soi et son fils ; elle a son chez-soi chez lui. Une bonne figure bovine du Berry, qu’on verrait mieux avec le bonnet blanc à ruches qu’avec le chapeau de dame que, le dimanche, elle perche sur sa tête grise au chignon clairsemé. Une grande bouche édentée, qui ne parle jamais fort, mais qui a pour son fils et pour ses connaissances un sourire affectueux et las. Le dos un peu voûté. Elle est la première levée ; et, le matin, elle apporte au fils le café au lait dans son lit. Quand il est au bureau, elle tient l’appartement, méticuleusement. Elle prépare les repas ; elle est bonne cuisinière, et lui, assez gourmand. Le soir, il lui répète ce qu’il a entendu dans la journée. Elle n’écoute pas très bien ; mais elle est heureuse de l’entendre. Elle va, le dimanche, à une messe du matin. Lui, non. C’est admis entre eux. Il n’est pas incrédule, mais il n’est pas croyant. La religion est une affaire de femmes. Elle s’en occupe pour les deux. Ils font, l’après-midi, un petit tour ensemble, mais ils vont rarement au delà du quartier. Il est vieux avant l’âge. Ils sont contents, sans frais, de bonheurs réduits, qui se répètent dans l’ordre accoutumé.