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Seigy — et la France — y mourra, plutôt que je renonce… Elle était de la lignée des plaideuse héroïques des temps passés. La guerre, la vie, la mort, est un procès. J’y perdrai tout ce que j’ai, mais je ne transigerai pas…

On pense qu’à une telle femme on ne va point parler des droits de la partie adverse !… Elle est fière de son frère : il a défendu la France, et elle le défend vigoureusement contre la mort qui vient. Mais elle le laisserait mourir, plutôt que de donner la main à cette honteuse faiblesse : une amitié allemande. Elle la connaît, — s’il lui plaît. Mais il lui plaît de l’ignorer. Et Germain y souscrit. Entre eux, entente tacite. Qui aime, évite d’exposer à l’injure — sinon des mots (Mme  de Seigy est maîtresse de soi), mais (c’est pis !) — des pensées, le nom de qui vous est cher.

Mme  de Chavannes, la mère, seule connaît la persistance de l’attachement de son fils ; et, parce qu’elle le chérit, elle ferme les yeux, mais c’est sans l’approuver ; et son silence fuit les confidences, que Germain n’est pas tenté de lui accorder. Elle est une femme âgée, qui s’est fait, toute sa vie, une loi de prudence de ne jamais contester les opinions régnantes, usages ou préjugés. Peut-être, son cœur est libre, ou le fut, ou l’eût été. Mais il y a si longtemps qu’elle ne le laisse plus parler !