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âme inemployée de mère ou de sœur amoureuse ?… Vous riez…

— Je ris de moi, dit Annette. Je ne manque pas non plus d’âmes sans emploi.

— Oui, j’en vois quelques-unes. Vous êtes la bergère de tout un petit troupeau.

— Bien heureuse, dit Annette, quand ce ne sont pas mes moutons qui me mènent !

— Il faut que chacun vive, dit Germain. Laissez-les pâturer !

— Et le garde-champêtre ?

Ils rirent.

— Diable de société ! dit Germain. Elle ne comprend rien autre que le Code.

Il réfléchit un instant, puis reprit :

— Ainsi, notre pauvre amitié. Est-il rien de plus humain, quand on voit un être qui se noie, que de lui tendre la main et, lorsqu’il l’a saisie, de l’emporter dans ses bras et de veiller sur lui ? Il était, depuis l’enfance, sevré de toute affection vraie, et la sienne s’était amassée derrière un barrage de souffrance. Quand il m’a rencontré, l’écluse s’est ouverte : ç’a été un torrent. J’ai voulu résister. Mais peut-on refuser le don d’un cœur noble et naïf qui croit en nous ? On lui est reconnaissant de cette foi, qu’on n’avait pas. On tâche de s’en rendre digne. Et voici que cette grande affection m’a fait sentir combien, à moi aussi, elle avait