Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/243

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Je l’aime en vous. Faites-le moi voir ! Parlez-moi de lui !…

— Il a nom Franz, et moi, Germain… Germain, le Français, et Franz, l’Allemand !… Je l’ai connu, deux ans avant la guerre. Il habitait Paris depuis plusieurs années. Il faisait de la peinture. Nous étions dans le même quartier. Nos chambres avaient vue sur le même jardin. Nous avons, des mois, passé l’un près de l’autre, sans nous parler. Une fois, au coin d’une rue, un soir, distraits, nous nous sommes heurtés. Mais ce n’est que plus tard que je me suis rappelé… Dans le courant giratoire de Paris, qui emporte les hommes et les femmes comme des feuilles, on se rencontre, on se touche, longtemps avant de se voir. Mais il suffit d’un choc, pour découvrir qu’on s’était vus… Un jour, un ami commun me l’amena. Et je le reconnus…

…Il avait vingt-trois ans, mais il paraissait bien moins. Il portait encore empreinte en lui la femme, — la mère, qu’il avait perdue, enfant. Un tendre visage, ému, inquiet, livré à tous les vents de l’espoir et du soupçon. On y voyait passer sans transition les ombres et la lumière. Du confiant abandon au découragement ombrageux. Tantôt il s’offrait, tout, et tantôt il se repliait, hostile, inaccessible. Mais j’étais le seul à le voir