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sains, qui forment, avec le travail et l’amour de la terre, l’ossature de ces pays du centre. (Si elle n’avait ces préjugés, la facilité de vivre, le laisser-vivre, prendraient le dessus.) — Germain connaissait bien et ceux-ci et ceux-là. La pâte de son corps était faite de cette eau et de cette farine. Mais le boulanger inconnu y avait mêlé un levain, qui n’était pas d’ici.

Ce jeune bourgeois riche, dont l’avenir semblait fixé, dès sa naissance, heureux, facile, et paissant dans le gras enclos de ses propriétés, était allé étudier à Paris, aux Écoles des Sciences Orientales et des Sciences politiques. La carrière consulaire l’attirait beaucoup moins que « l’invitation au voyage ». Cependant, il aimait son pays, en gourmand, — le ciel et l’air, le parler, le manger, la bonne terre, les bonnes gens… Et il ne rêvait que de s’en échapper ! En attendant une désignation lointaine, il avait parcouru l’Europe dans tous les sens. Singulier goût, au jugement de ses concitoyens casaniers ! Mais des goûts et des couleurs, (surtout quand ils sont d’un riche), inutile de discuter !… La guerre était venue interrompre les projets de voyage. Et maintenant, la maladie : il avait été « gazé » ; les tissus intérieurs lentement étaient rongés. Maintenant, il ne lui restait plus que le voyage autour de sa chambre — (même pas ! depuis quelques jours, il restait