Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/218

Cette page n’a pas encore été corrigée

— La bonne Louise m’a conté vos prouesses. Vous n’êtes pas de ceux qui, le combat fini, prolongent le combat sur l’ennemi abattu. Vous avez cette faiblesse d’épargner le vaincu. J’ose donc espérer qu’il vous en restera encore pour le vaincu que voici.

— Vous ? dit Annette.

— Moi. Grand blessé. Grand vaincu. J’ai toutes les vanités.

— Vous guérirez.

— Non. Laissez l’illusion aux autres et à moi ! Nous suffisons à la tâche. Ce n’est pas pour cela que j’ai besoin de vous. La défaite pour laquelle je demande votre indulgence n’est pas celle de mon corps, mais celle de mon esprit. Ce ne serait rien d’être vaincu, si l’on croyait au vainqueur.

— Quel vainqueur ?

— Le destin qui nous sacrifie… Non, ce n’est pas assez dire… Le destin, à qui on se sacrifie…

— Vous voulez dire : la Patrie ?

— Ce n’est qu’un de ses visages. Le masque d’aujourd’hui.

— Moi aussi, je suis vaincue, et je ne crois pas au vainqueur. Mais je ne me rends pas. Tout n’est pas dit.

— Vous êtes femme. Vous êtes joueuse. Même quand elle perd au jeu, une femme croit qu’elle finira toujours par gagner.