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rompu de loin en loin par la mélancolie des cloches et par les cris des freux. Quand on avait passé la porte étroite en bois de chêne vernissé, aux ferrures bien frottées, qui, dans la façade poudreuse, seule luisait froidement, on traversait une cour dallée, avant d’arriver au principal corps de logis. Les fenêtres des appartements donnaient sur cette cour sans jardin, sans une feuille d’arbre, sans un brin d’herbe, qu’enfermaient les quatre murailles grises. Il semble que ces bourgeois de province, après de longs mois passés sur leurs domaines, dans leurs maisons des champs, lorsqu’ils rentrent en ville, cherchent à s’y murer, de telle sorte que la nature ne puisse les y trouver. Les Chavannes n’habitaient ici que quelques mois d’hiver ; mais les événements, la guerre, le devoir de participer activement aux services publics, la maladie du fils, les avaient décidés à s’installer en ville, jusqu’à ce que l’avenir se fût éclairci.

La famille était alors presque réduite aux femmes. Le père était mort. Et tous les hommes valides, fils ou gendres, étaient partis. Restait un garçon de sept ans, fils de la jeune Mme Chavannes de Seigy, qui se morfondait, le nez contre les carreaux, à guetter les entre-bâillements de la porte d’entrée, les rares visiteurs, en sommeillant au son des cloches, aux cris des freux : il