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du pays. Son mari, officier, venait d’être tué devant Verdun. Son geste fut décisif. Deux autres dames infirmières se firent place auprès d’elle. Quelques-uns des bourgeois s’empressèrent à prêcher autour d’eux l’apaisement. La femme qui, tout à l’heure, crachait à la face des prisonniers, s’apitoya bruyamment sur un petit blessé. Et la foule, s’écartant, avec des grognements, laissa passer le convoi, qu’escortaient la jeune veuve et Annette, soutenant par le bras l’officier chancelant.

On atteignit l’hôpital, et nulle protestation n’osa plus se faire entendre. Le devoir professionnel et l’humanité reprirent leurs droits. Mais dans la confusion des premières heures, aggravée par le manque d’infirmiers — (les hésitants revinrent, un à un, dans la nuit), — le reste du personnel se trouva débordé ; et Annette put rester, sans qu’on prît garde à elle, jusqu’au milieu de la nuit. Avec l’aide de la furie de tout à l’heure, de cette énergumène qui se révélait maintenant une brave commère, honteuse de sa violence et cherchant à la faire oublier, elle déshabilla et lava des blessés. Et l’un de ces malheureux ayant été mis au rebut, toute opération désormais inutile, elle se consacra aux dernières heures du mourant.

C’était un adolescent, maigre et nerveux, à la peau brune ; il avait ce type demi-sémite