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se passait en elle… Elle fonça, tête baissée, repoussant les furieux qui bloquaient devant elle l’avenue, elle se fraya passage. Et ils surent ce que valait la poigne d’une Rivière ! Et aussi, son aboi… Elle arriva près de l’officier allemand, et, les bras étendus, retournée vers la foule, elle l’apostropha :

— Lâches ! Êtes-vous des Français ?

Et l’effet des deux cris fut comme un double coup de fouet.

Elle continua, d’un souffle :

— Êtes-vous des hommes ? Tout blessé est sacré. Tous ceux qui souffrent sont frères.

Elle dominait la foule, de la voix et des bras. La violence de son regard les dévisageait, à la ronde, frappait chacun, au front. Ils reculèrent, grondant. Annette se baissa, pour ramasser le casque de l’officier. Cette seconde suffit à détruire le contact avec ceux qui l’entouraient. La hargne, indécise, se ramassait pour lui sauter à la gorge… Quand une jeune dame, qui portait le costume de la Croix-Rouge, vint près d’Annette, et dit, d’une voix frêle et ferme :

— Madame a parlé selon l’honneur. Les ennemis blessés sont sous la sauvegarde de la France. Qui leur manque lui manque.

Chacun la connaissait. Elle appartenait à une des familles aristocratiques les plus considérées