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chaient des pensers nouveaux (c’étaient plutôt des mots) : hygiène, antisepsie… Il s’agissait de rendre la mort salubre, en la multipliant. On avait donc encaustiqué la crasse d’un hôpital nouveau — d’un pensionnat ancien, — marié le phénol à l’odeur de moisi, mis les salles de classes sous l’invocation d’Ambroise Paré, et doté l’établissement d’une salle de bains — une rareté !…

Et ce luxe, des Boches allaient l’étrenner !… La petite ville se récria. Elle venait d’être durement éprouvée. Les combats des derniers mois avaient décimé les enfants du pays. Le deuil était entré dans presque toutes les familles. L’apathie coutumière en avait été secouée jusqu’à l’exaspération. Le personnel même de l’hôpital était divisé. Une partie avaient décidé de refuser leurs soins aux ennemis. Une pétition rédigée passait de mains en mains. L’arrivée du convoi devança la détermination. On n’en eut connaissance que quand il était là. La nouvelle fit sortir des maisons tous les gens…

Le troupeau lamentable, déjà, était poussé hors de la station. L’avenue de la gare fut, en quelques minutes, remplie comme un égout après une grosse pluie. C’étaient, à l’ordinaire, des êtres inoffensifs, bonasses, indifférents, un peu grossiers, pas méchants. Mais les pires instincts sur-le-champ s’allumèrent. L’apparition du cortège