Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/20

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’invoquait en lui la voix d’instincts obscurs, que la jeunesse n’avoue pas, l’appel aux forces enchaînées, qui gisent sous l’ennui d’une époque dépouillée de ses raisons de vivre !… Il voit partir ses aînés, dans une ivresse d’action et de sacrifice, dont le flot roulera bien des boues, avant qu’il soit longtemps ; mais en ces premiers jours, la source en reste pure, — autant qu’elle peut l’être chez des adolescents, dont l’âme est polluée de troubles éléments. Penché sur le courant, Marc, du bout de la langue, lape ceux-ci et celle-là : — la pureté brûlante de cette immolation, et le limon, au fond. Il envie et redoute le demain qu’ils vont mordre… Quand il lève les yeux, il rencontre ceux de sa mère. Leurs regards se détournent. Ils se sont compris, assez pour ne pas vouloir se laisser comprendre davantage. Mais ils savent qu’ils marchent tous deux sous la même nuée.

Le seul qui ne participât point à l’exaltation, était le mari de Sylvie, Léopold : il était le seul du groupe, qui partît. Il avait calculé que sa classe, une des plus anciennes de la territoriale, ne serait pas prise immédiatement, que les appels s’échelonneraient par tranches. Il n’avait point de hâte. Mais un pressentiment lui soufflait que la guerre en aurait plus que lui, et qu’elle ne l’oublierait pas. Elle se souvint de lui plus vite