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de l’instinct, qui séparait leurs routes, et disait aux deux femmes :

— Hélas ! sur cette terre, nous ne nous rencontrerons plus !…


Mais sur cette terre, où fuir ? Cette terre, qu’en ont-ils fait ?…

L’atmosphère de Paris — l’atmosphère du monde — était irrespirable, en ces derniers jours d’été 1916. La terre était une gueule ouverte, qui bramait à la mort. Son souffle furieux puait le cadavre de l’humanité. Les tombereaux de chairs broyées de la Somme et de Verdun ne pouvaient la rassasier. Depuis les égorgements sacrés de peuples par les Aztèques, le ciel n’avait point humé de pareilles hécatombes. Dans la ronde de la mort, deux nouvelles nations voisines venaient joyeusement d’entrer. C’était la trente-deuxième déclaration de guerre, depuis deux ans. Les danseurs trépignaient. La presse, accroupie autour, sur ses talons, claquait des doigts, battait des os sur ses chaudrons, hurlait. Elle chantait, en Allemagne, le nouveau Cantique de St-François, l’hymne à notre sœur la Haine : « …Il nous a été donné la Foi, l’Espérance et la Haine. Mais la Haine est la plus grande des trois… »

En France, la Science, jalouse des Quatre-vingt-treize Intellectuels, voulait avoir les siens, et elle