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n’aurait pu lire, dans ses yeux sans prunelle, tout en velours et luisants du dehors, sans lumière du dedans, ni sous le fard de fruit qui masquait ses joues blêmes, les souvenirs et les songes. Mais le mari affamé, quand il revint pour mordre au fruit de son jardin, il ne retrouva plus le goût de l’âme qu’il avait laissée ; et quoiqu’il fût, en tout, un pauvre observateur, il vit du premier coup que derrière la façade la maison avait changé. Il s’était passé… quoi ? Et comment le savoir ? La façade qui sourit ne livre point son secret. Il aura beau l’étreindre. Il ne tient pas la pensée. Il ne tient que le corps. Et qu’a-t-il fait, ce corps ? Et ce témoin du corps, cette pensée, qu’a-t-elle vu et voulu ? Que sait-elle ? Que cache-t-elle ?… Elle ne dira jamais rien. Jamais il ne saura rien.

Ils parlent tranquillement des choses ordinaires. Et brusquement, la voix de l’homme a des accents colères. Sans motif apparent. Il le sent. Elle retombe. Ils se taisent. Il a honte de s’être trahi, il a rage de ne pouvoir lui arracher son secret. Ils sont, l’un à l’autre, collés, et murés l’un à l’autre. Il se lève, sans un mot, et il sort, faisant claquer La porte sur le palier. Clarisse n’a point bougé ; mais au bout d’un moment, Marc l’entend se moucher : il sait qu’elle a pleuré.

Quand le mari repart, sa permission écoulée.