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amincie ; le visage était hâve, affamé, tourmenté ; quelques fils de lichen commençaient à pointer au-dessus de la lèvre fiévreuse. Son aspect maladif provenait des troubles de l’esprit. Sa mère, qui avait perdu contact, ne savait plus lire en lui. Elle voyait sur cette bouche, sur ce front d’adolescent, des traces d’usure précoce, d’expérience fatiguée, de dureté, d’ironie ; et elle se demandait, le cœur serré :

— Qu’a-t-il fait ? Qu’a-t-il vu ?

Elle tremblait que cette jeune chair sacrée ne connût la flétrissure. Elle se sentait responsable. Pourquoi l’avait-elle abandonné ? Mais il ne voulait point d’elle. Que peut-on pour défendre celui dont l’âme s’est fermée ? Entrer de force ? Déjà, elle s’y était brisée. Cette serrure obstinée ! Dur métal : c’était le sien… Et puis, qu’aurait-elle vu, si elle était entrée ? Elle avait peur d’y penser.

Et lui, qui se sentait épié, il avait rabattu sur son âme ses volets. — Oui, ce que le regard de la mère avait saisi, c’était vrai. Ces flétrissures. L’ombre, sur la peau vierge, de l’arbre de la science. Oui, il avait trop tôt vu et connu… — Mais elle n’apercevait pas les réactions de l’âme ensemencée, les sains dégoûts, les loyales douleurs, et cette parenté de révolte et d’élan passionné, qui se dérobent sous la pudeur du cœur, l’instinct