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en rapprochant les dates, de se souvenir à quoi s’était passée pour elle la nuit où il cherchait sa main, dans l’agonie. Elle avait beau se dire :

— Je ne pouvais pas savoir…

Elle avait beau se dire :

— Il n’en a pas souffert…

Elle avait beau se dire :

— À quoi bon y penser ? On ne peut plus changer le passé…

C’était justement pour cela ! Le mal qu’on fait à un vivant, on peut le racheter…

— Mon pauvre homme, tu serais revenu, je ne me ferais pas de reproches ! Ce n’est pas tant ce que j’ai fait ! Ça n’a pas une telle importance ! Si tu étais revenu, je te l’aurais rendu, en affection. Mais à présent que tu es mort, je reste avec ma dette. Je ne peux plus te rembourser. Quoi que je fasse, je garde mon tort. Je me fais l’effet d’une voleuse…

Sylvie avait très fort, comme le peuple de Paris, le sentiment de l’injustice. Naturellement, surtout de celle qu’on vous fait. Mais aussi, sincèrement, de celle que vous faites aux autres. Il lui était pénible de s’avouer qu’elle en restait chargée envers son meilleur compagnon.

Plus jeune, elle eût montré plus d’élasticité. Elle se fût arrangée de ce qu’elle ne pouvait plus changer. Quand on butte et que la vie est longue