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pour s’y réfugier. Si détachée qu’elle soit de ce qu’elle a quitté, il est pour elle un messager du pays. Ils sont du même toit. Ils ont pépié ensemble, au bord de la même gouttière. Dans l’immensité de la Ville, les transfuges s’accolent et réchauffent leurs plumes. Marceline becqueté la bouche défaillante de son petit amant. Ce petit garçon est bien ardent ! Il se brûlerait à la lampe. Ce monde du plaisir — ce monde de la souffrance — qu’il vient de découvrir, il s’y livre furieusement. Marceline s’en amuse ; mais cette fille sans scrupules a pour le Chérubin, rougissant, impudent, qui la dévore, un je ne sais quoi qui la trouble et l’étonne, — je ne sais quoi de maternel. Elle qui fait bon marché des sentiments de famille, elle se sent une responsabilité sur ce jeune garçon. Elle le tient sur ses seins, elle scrute ses joues pâles, ses yeux fiévreux, elle a ri d’abord, elle se fait souci maintenant de ses escapades nocturnes, de ses rentrées, moite et transi, à l’aube glacée. Il est peu couvert, et il est imprudent ; il a une toux sèche ; il est violent ; il est brûlant ; un coup de vent le consumera, d’une bouchée. Marceline s’inquiète ; et en même temps, elle souffle sur le feu ; elle joue de lui. Il est jaloux, elle le tourmente, elle n’entend pas qu’il la gêne. Elle a scrupule, mais elle achève, bel et bien, de l’assassiner.