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souriante le visage de l’enfant qui cherchait à se dérober. Il redressa le dos, prit une bonne bouffée de l’air empuanti par les relents d’usine, et dit :

— Oui, c’est bon. C’est sain.

Marc fronçait le nez. Pitan lui frappa sur l’épaule :

— Regarde !…

(Pour la première fois, il le tutoyait.)

De la ceinture des fortifs, ils voyaient la vaste plaine pelée, les longues fumées d’usines, que tordait lourdement, comme un linge à la lessive, la bise glacée d’hiver, dans la cuve du ciel boueux, — et, par derrière, la fourmilière des maisons, les millions de vies, la Ville, — la sévère tragédie. Heureux et sérieux, Pitan respirait à l’aise. Et il dit :

— La solitude avec tous, c’est tous être frères de tous.

— Et tous, ils s’entre-dévorent, dit Marc, amèrement.

— Il faut bien qu’ils mangent ! fit simplement Pitan. C’est la loi… Et donc, nourrissons-les ! Nourrir de soi les autres, c’est pour ça qu’on est né. Et de toutes les bonnes choses, celle-là c’est la meilleure !

Marc regardait la face terreuse du petit raccommodeur, illuminée d’un feu interne, et il était saisi de cette muette allégresse qui rêve de s’offrir