Pitan dit avec bonhomie :
— Moi, je ne suis jaloux de rien, mon petit. On est blond, on est brun, on est grand, on est petit, on est blanc, on est jaune, — pour moi, tout ça est égal, on aime, on saigne, on meurt de même. Je suis pour toutes les patries. Aucune ne me gêne… Mais voilà ! La nôtre, celle des prolétaires, on ne lui accorde pas le droit de vivre. Il faut bien qu’elle l’arrache aux vôtres.
— En nous arrachant la vie.
— On ne vous en veut pas. Mais votre classe nous prend notre soleil.
— Je n’en prends pas beaucoup, dit Marc, tristement.
— Vous avez les moyens d’aller le chercher. Dans vos livres, vos études, dans les libres et tranquilles travaux de votre esprit. Allez donc le chercher, et ensuite, donnez-nous-le, à nous, qui n’avons pas les moyens de nous payer ces excursions coûteuses ! C’est ce que vous pouvez faire de mieux. Retournez chez vous, et là, travaillez pour nous !
— Ce n’est pas gai, dit Marc. Vivre sans compagnons !
— On est compagnon de tous, on n’est pas compagnon d’un seul !
— Ah ! quelle solitude ! fit Marc.
Pitan s’arrêta, regarda avec une compassion