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faut pas à présent exagérer dans le contraire. Mais quelque chose est vrai. Et c’est parce que je l’ai senti, que je vous l’ai dit.

Marc s’arrêta, frappa du pied, et cria :

— C’est injuste !

Il se détournait pour qu’on ne vît pas sa faiblesse : ses larmes près de jaillir. Pitan lui passa son bras sous le bras ; ils continuèrent à marcher.

— Oui, dit après quelques pas Pitan qui avait médité, il y a beaucoup de choses injustes. Presque tout est injuste dans cette société. C’est pour cela qu’il faut la changer.

— Ne puis-je y travailler ?

— Vous pouvez. Vous devez. Comme nous. Chacun avec ses moyens, et chacun dans son cadre. Mais dans la société nouvelle, dans l’ordre prolétarien (je le regrette, monsieur Rivière) vous n’entrerez pas. Ça me fait pitié pour vous. C’est comme cela !… Je n’y entrerai pas non plus, d’ailleurs, moi, car je serai mort.

— Mais les vôtres, ceux de votre classe ?…

— Ceux de ma classe, oui. Ceux-là entreront.

Marc dégagea son bras de celui de Pitan et dit :

— Pitan, vous et les vôtres, vous êtes des nationalistes. Vous combattez la patrie. Mais c’est pour une autre patrie. Et elle est aussi jalouse que l’ancienne.