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affolant usage du « distinguo », qui, appliqué à tout, réussit à tout embrouiller : la guerre et la paix, le droit et l’iniquité, la liberté et l’abdication de toutes les libertés. Le résultat le plus certain était que la minorité d’esprits qui avaient jusqu’alors tenacement tenté de se libérer, revenaient au banc de chiourme et ramaient, le dos courbé, sous le bâton. Ils n’étaient pas une douzaine, à Paris, vers la fin de 1914, les irréductibles qui se maintenaient hors des fers. Leur nombre avait grossi depuis, peu à peu, ralliés en deux ou trois petits groupes, dont le plus sagace était celui de « la Vie Ouvrière ».

Marc assista, le dimanche, à quelques-unes de leurs réunions. Ce qu’il y entendit l’ébranla.

Jusqu’à cette heure, il n’avait jamais discuté la guerre. Il était bien trop clairvoyant pour n’en pas saisir la cruauté, l’injustice, peut-être même l’absurdité. Mais il n’en jugeait que plus viril de lui faire accueil. Il était à cet âge où la suprême vertu se résume en ce mot : la virilité. Et la force injuste, plus encore que la juste, exerce un attrait caché : car elle paraît plus force, toute brute, toute pure, et elle a plus de danger. Il mettait un orgueil à exalter l’impitoyable loi du combat pour vivre, qui enfermait les hommes dans le panier aux crabes de l’éternelle mêlée. Point de larmoiement. Être le plus fort !… Précisément parce que lui, il