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la flamme un instant éclaire les deux visages. C’est un jeune ouvrier, guère plus âgé que Marc. Imberbe, le teint gris, les traits fins, l’expression aiguë, sous les paupières bridées des prunelles mobiles, un regard curieux qui fuit, qui palpe, mais qui ne se pose pas, un sourire équivoque au coin des lèvres pâles… La nuit est retombée entre eux. Mais ils se sont bien vus. L’autre pelote le bras de Marc, et lui dit :

— Où vas-tu ?

Marc dit :

— Je ne sais pas.

— Alors, viens avec moi !

Marc hésite. Son instinct l’avertit. Il sait les dangers de la jungle. Il ne sait rien de l’autre ; mais il flaire que l’autre est de la jungle. Le cœur lui bat. Mais la curiosité l’emporte sur la peur. Et puis, s’il n’est pas brave encore, il est téméraire. (La bravoure s’apprend plus tard, lorsqu’on est en état de peser ses forces, ou sa faiblesse, qu’il n’a pas éprouvées.) Il est curieux de risquer. — Il dégage son bras de la main qui le serre ; et de ses deux mains, à son tour, tenant l’autre, mais à distance, il dit :

— Allons !
sans demander où.

Toute la nuit, ils courent. Ainsi que leurs mains