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qui ne laissait rien savoir de lui et de sa vie que l’extérieur, — dépouillé de tout accent personnel, de saveur, de couleur. Vainement, Annette insistait, demandait des détails. Elle comprenait bien qu’il voulait lui faire sentir sa rancune. Tantôt elle s’efforçait de le désarmer, tantôt elle s’étudiait à la même inflexibilité. Mais venait toujours le moment où l’amour refoulé faisait irruption. Le petit guettait ces heures, et il en triomphait. Elle s’en repentait, après. Car il n’en écrivait que sur un mode plus terne et plus détaché. Maintenant, elle n’ouvrait plus ses lettres qu’avec une souffrance de ce qu’elle allait lire. Et malgré tout, l’espoir. Et toujours, la déception. Elle se lassait de souffrir et d’attendre. Le jour venu d’écrire (il ne répondait qu’après, lettre pour lettre), elle reculait d’un jour, puis de deux, puis de trois… Et puis, une de ces explosions de reproches et d’amour, qu’elle ne pouvait maîtriser… Et puis, elle se tut, un mois… Puisqu’il ne s’en souciait pas !… De son silence d’un mois, il fut presque malade. Il avait beau faire l’homme fort et dédaigner ses lettres. Comme il les attendait ! Ce n’était pas seulement son orgueil qui savourait la vengeance de se dire :

— Elle ne peut se passer de moi !…

Ces effluves d’amour, que le vent lui apportait des campagnes lointaines, il ne pouvait plus s’en