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son peuple. Elle y trouvait d’abord une jouissance violente ; bientôt, une habitude. Maintenant, une lassitude. Une force intérieure, cachée, lointaine en elle proteste. Elle ne la distingue pas bien, elle en souffre confusément ; elle se sent coupable envers elle. Et ce remords obscur pèse sur tout ce qu’elle voit, sur ce petit monde qui borne son horizon, — cette humanité en miniature. Elle voit les tares d’hommes sur ces visages d’enfants. Elle voit leurs destinées, leur médiocre avenir, le cul-de-sac de la vie. Elle voit son propre fils perdu dans cette foule anonyme, dans cette fourmilière qui coule comme un flot et ne sait où elle va. Elle se voit elle-même, une fourmi ouvrière, sans enfants, qui accomplit sans joie sa tâche mécanique. Il lui semble que ces enfants sont tous — même le sien — sortis d’une reine monstrueuse et obtuse, la Nature… Elle a la bouche mauvaise et l’âme asséchée.

Tout lui manque. Ce n’est pas seul son fils qui lui manque cruellement. — C’est elle-même.