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toujours fait… » — Selon l’angle d’où on les regarde, ils sont absurdes, et ils sont émouvants. Leur fonds d’acceptation bonhomme, indifférent, a son néant ; mais sa grandeur, autant.

Quant aux enfants, qu’en savons-nous ? Ce qui se montre n’est qu’un jeu. Le vrai travail se fait au fond. Les yeux des maîtres et des parents ne voient pas plus loin que la jeune écorce. Vous ne connaissez de l’enfant que ce qui le fait nommer tel. Vous ne voyez pas l’Être éternel, qui n’a point d’âge, dont le feu couve dans les retraites de chaque âme, grande ou petite. Vous ne pouvez jamais savoir si le feu ne jaillira pas… Confiance !… Patience !…

Mais Annette n’en avait pas.

Elle était comme un nageur robuste, qui veut traverser un fleuve, et va contre le courant. Ou comme ces migrateurs, qui foncent contre le vent.

Quand elle sentait autour d’elle, à Paris, l’odeur de fièvre, elle aérait ; elle opposait la volonté du calme. — Quand elle voit ici l’épaisse indifférence, elle entend monter l’appel de la souffrance.

Elle est inquiète. Si elle est mécontente des autres, c’est qu’elle l’est de soi. Ils sont ce qu’ils doivent être, ils sont selon leur nature. Mais elle, est-elle selon la sienne ? Que fait-elle ici ? Depuis un an elle s’est livrée aux destins qui emportent