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table, leurs pieds raclent le plancher, leurs mains farfouillent au fond de leurs poches, ou sur la cuisse du voisin, leur œil clignote, et sous leur joue, leur langue pointe et fait des bosses. Ils ne voient rien, mais ils voient tout. Si l’attention du maître, une seconde, se détend, on sent monter de toute la classe un frémissement.

Tout cela, c’est monnaie courante, pour les professeurs ; et bien qu’Annette en soit à ses débuts — (car elle n’a, jusqu’à présent, pratiqué que des leçons particulières) — elle se trouve d’aplomb, dès les premiers pas ; elle a dans le sang l’instinct du gouvernement. Elle a beau rêver : au moindre choc qui l’avertit du danger, elle est armée, et ces petits loups et ces petits renards, qui, escomptant sa distraction, rampent vers elle, la gueule ouverte de côté, restent en arrêt devant le feu qui s’allume dans l’œil impérieux… Ils comptaient pourtant bien s’amuser de cette femme qu’on leur a donnée pour berger ! …

La femme, pour ces petits mâles, a sa place marquée à la maison et au comptoir. Là, elle gouverne : on voit sa tête (elle l’a bonne), et quelquefois le plat de ses mains ( elle les a lestes !) — Mais si elle sort, ce qui intéresse, c’est le bas du corps. Comme ils la flairent !… Ils ne savent rien, pour la plupart, — si peu que rien. — Très